Les plantes comme source de caoutchouc

9/6/20245 min read

Saviez-vous que le caoutchouc, cet allié du quotidien, de vos pneus à vos gants en passant par vos ballons, provient souvent ... de plantes ?

Oui, certaines plantes jouent un rôle essentiel dans la production de cette matière. Dans cet article, on vous embarque dans le monde fascinant du latex végétal, depuis sa production par les plantes jusqu’à sa transformation en caoutchouc.

Caoutchouc naturel
Caoutchouc naturel

1. C'est quoi le latex ?

Le latex, ce liquide blanc laiteux, est produit par des plantes dans des structures appelées laticifères.

Pourquoi ? Pour se défendre !

En cas de blessure, le latex s’écoule, se solidifie et bouche la plaie, protégeant la plante contre les agresseurs, surtout les microbes. Pratique, non ?

Laticifère produisant le latex
Laticifère produisant le latex

Sur les 7 500 espèces productrices de latex, l’hévéa (Hevea brasiliensis), un arbre originaire d’Amazonie, est la star mondiale. Sa culture (l’hévéaculture) s’est développée surtout en Asie du Sud-Est (Fortin, 2007).

Vaisseaux du manteau lactifère

Ecorce

Cambium

Profondeur de l’incision

Hévéaculture - Freepik
Hévéaculture - Freepik

Mais attention, l’hévéa n’est pas seul !

On explore aussi d’autres plantes prometteuses comme le guayule (Parthenium argentatum) et le pissenlit de Russie (Taraxacum kok-saghyz) pour diversifier les sources (Singer et Weselake, 2018).

Source : Fortin (2007)

2. Extraction du latex

Pour collecter le latex, on procède à une méthode appelée saignée. Cela consiste à faire une petite coupe inclinée dans l’écorce pour laisser s’écouler ce précieux liquide. Cette coulée s’arrêtera quand les vaisseaux lactifères se ferment par les particules de caoutchouc micro-floculées.

Extraction du latex de l'arbre hévéa
Extraction du latex de l'arbre hévéa

Si on regarde de plus près, on remarquera que le latex est formé de 3 fractions :

  1. Particules de caoutchouc, représentant 30 à 45 % du poids frais du latex. Ces particules sont formées de chaîne de polymère formée de milliers d'unités poly(cis-1,4-isoprène), de deux unités poly(trans-1,4-isoprène) et de deux groupes terminaux de chaîne α et ω ;

  2. Sérum C, contenant les substances solubles présentes dans le cytoplasme des cellules végétales, comme les protéines liées au métabolisme cellulaire, les sels inorganiques, les acides organiques, les nucléotides et les glucides. Cette fraction est liée à différentes propriétés biologiques du latex, et trouve des applications cliniques contre le cancer ;

  3. Sérum B, formé de substances non caoutchouteuses (organites lutoïdes et complexes de Frey-Wyssling) ayant des activités antimicrobiennes et biochimiques. Quelques composés, comme l’hévéine, causent des réactions allergiques.

Côté composition, le latex est une véritable potion magique. Il contient des particules de caoutchouc stabilisées par des protéines et des lipides. Ces éléments forment une structure complexe et fascinante, qui est d’ailleurs bien différente de celle du caoutchouc synthétique.

Coupure

Latex

Godet

Fun fact : Le latex contient aussi des pigments naturels (comme des caroténoïdes) qui donnent au caoutchouc une légère teinte jaunâtre. C’est là que la science rencontre la nature !

Source : Fortin (2007)

3. Transformer le latex en caoutchouc

Après la récolte, le latex entre dans une étape cruciale : la coagulation. C’est un peu comme transformer du lait en fromage, sauf que là, le résultat final est plus élastique que savoureux ! On utilise des produits chimiques comme l’ammoniac pour stabiliser le latex et éviter sa dégradation.

Mais ce n’est pas tout. Pour que le caoutchouc résiste à toutes les températures et garde son élasticité, il subit un traitement spécial : la vulcanisation. Ce processus utilise du soufre et du cuivre pour rendre le caoutchouc « vulcanisé » super résistant et idéal pour un usage industriel (Fortin, 2007). C’est grâce à cette étape que vous pouvez rouler sereinement avec vos pneus, même en plein hiver.

4. Multiples applications du caoutchouc

Le caoutchouc vulcanisé est un véritable couteau suisse ! Voici quelques-unes de ses applications les plus courantes :

- Industrie (Fortin, 2007) : pneumatiques, joints, jouets, ballons… la liste est longue !

- Imperméabilisation (Fortin, 2007): pour les tissus, adhésifs et peintures.

- Domaine médical : Le latex est aussi un héros dans les laboratoires et hôpitaux.

Ses propriétés biocompatibles permettent de créer des dispositifs innovants pour soigner des plaies et les défauts osseux. Ceci se base sur la capacité du latex à induire la réparation des tissus et favoriser la régénération osseuse.

Le latex, couplé au chitosane, entre aussi dans la préparation des films composites utilisés pour produire des gants ou des cathéters antibactériens.

Et ce n’est pas tout ! Le latex est aussi utilisé dans des systèmes de libération contrôlée de médicaments, permettant une action ciblée et prolongée. Plusieurs extraits de plantes sont méticuleusement livrés par ces systèmes, comme Stryphnodendron obovatum (barbatimão), Cordia verbenacea (Sauge noir), Casearia sylvestris (Guaçatonga) et Serjania marginata.

Vous voyez, ce n’est pas qu’un simple "élastique".

Le caoutchouc est bien plus qu’un matériau industriel : c’est un cadeau de la nature, transformé avec ingéniosité par l’humain. Avec des plantes comme l’hévéa, le guayule ou encore le pissenlit russe, nous avons des ressources durables à portée de main.

Alors, la prochaine fois que vous utilisez un objet en caoutchouc, pensez à ces plantes qui rendent tout cela possible.

Impressionnant, non ?

Source principale :

Article de synthèse : Guerra, N. B., Sant’Ana Pegorin, G., Boratto, M. H., de Barros, N. R., de Oliveira Graeff, C. F. & Herculano, R. D. (2021). Biomedical applications of natural rubber latex from the rubber tree Hevea brasiliensis. Materials Science and Engineering: C, 126, 112126.

Autres sources :

Livre : Fortin Jacques (2007). Les Plantes - Comprendre la Diversité du Monde Végétal, page 120. Les Éditions Québec Amérique inc.

Chapitre de livre : Singer, Stacy D. & Weselake, Randall J. (2018). Chapter 5: Production of Other Bioproducts from Plant Oils, page 72. Chen, G., Weselake, R.J. & Singer, S.D. (Eds), Plant Bioproducts, Springer.

Source supplémentaire :

Article de synthèse : Men, X., Wang, F., Chen, G. Q., Zhang, H. B. & Xian, M. (2019). Biosynthesis of natural rubber: current state and perspectives. International Journal of Molecular Sciences, 20(1), 50.