Eco-innovation: Films et revêtements écologiques issus des plantes
Les plantes sont une source prometteuse de films et revêtements biodégradables, formant une barrière protectrice autour des produits alimentaires, cosmétiques et pharmaceutiques pour les préserver de l'environnement extérieur.
En général, les revêtements adhèrent directement aux produits, tandis que les films sont fabriqués indépendamment du produit. Ces emballages sont principalement composés de biopolymères d'origine végétale, animale, marine ou microbienne.
Ces solutions d'emballages écologiques gagnent en popularité en tant qu'alternative durable aux emballages traditionnels, souvent non biodégradables et nocifs pour l'environnement. Grâce à la nanotechnologie, des emballages nanoencapsulés sont aujourd’hui disponibles, permettant d’améliorer les fonctionnalités de ces films et revêtements.
De nombreux films comestibles sont déjà commercialisés et largement utilisés sur les marchés asiatique et international. La Chine et le Japon sont les principaux producteurs et consommateurs de ces emballages biodégradables, qui contribuent à la réduction des déchets plastiques tout en répondant aux exigences de durabilité.
1. Composition de base
Les films et les revêtements sont produits à partir de polymères non toxiques d’origine végétale, animale ou marine ou de sous-produits issus de la transformation des aliments. Dans le cas de la conservation alimentaire, ces polymères peuvent être consommés avec l’aliment et doivent donc être comestibles.
Parmi les polymères ayant la capacité de former des films et des revêtements, on trouve :
Les polysaccharides : d’origine végétale (cellulose, amidon et pectine), animale (chitine, chitosane), marine (alginate, agar et carraghénane) ou microbienne (pullulane, gellane et xanthane). Les polysaccharides permettent d’obtenir des revêtements avec une bonne barrière à l'oxygène et aux arômes et une excellente résistance. Parmi les polysaccharides les plus étudiés est la gomme xanthane, utilisée par la Chine dans les films protecteurs comestibles pour l'emballage alimentaire.
Les protéines : les plus utilisées sont les protéines de soja, la zéine de maïs, la gélatine d’origine animale, la caséine du lait et le lactosérum (ou petit lait, c’est le liquide jaune-verdâtre qui se sépare du caillé pendant la fabrication du fromage). Elles offrent une excellente barrière contre les composés hydrophobes tels que l’huile et les arômes.
Cependant, ces deux polymères ont un caractère hydrophile, présentant une faible à modérée barrière à l'eau, ce qui réduit l'intégrité du film dans les conditions très humides. Pour remédier à cela, les lipides sont ajoutés. La meilleure barrière à l'humidité est obtenue par la cire, alors que les résines (comme la résine terpénique et la résine de bois) sont connues pour leurs propriétés brillantes. Les huiles végétales et les huiles essentielles (thym, clou de girofle, zeste de citron, bergamote, romarin) peuvent aussi être ajoutées au film pour améliorer ses propriétés.
1.1 Vers des films et revêtements composites
Bien que généralement formés d'un seul composant, les films et revêtements actuels font l'objet de recherches visant à combiner deux ou plusieurs éléments pour améliorer leurs propriétés fonctionnelles. Les plastifiants (glycérols et polysorbate) et les émulsifiants sont parfois ajoutés pour renforcer ces propriétés physiques, mécaniques et de barrière.
De plus, des composés actifs tels que des antimicrobiens et des antioxydants (Acides organiques, enzymes, bactériocines, extraits de plantes et huiles essentielles) des colorants et des arômes peuvent être intégrés aux films afin d’améliorer la qualité, la stabilité et la sécurité des produits emballés.
1.2. Films et revêtements à base de plantes
Plusieurs matériaux d’origine végétale sont utilisés dans la production de films et de revêtements.
La pectine est un polysaccharide très prisé dans l'industrie alimentaire autant qu’agent épaississant, gélifiant, stabilisant et émulsifiant. Grâce à ses propriétés filmogènes, elle est utilisée comme agent de structuration dans les films ou les revêtements composites, ainsi que dans les micro- ou nanoparticules. L’origine végétale et le traitement employé pour isoler les pectines influencent leurs caractéristiques chimiques et donc leur capacité à former des gels et des films. Ces emballages à base de pectine sont utilisés dans la conservation de produits alimentaires tels que la viande, les volailles, les poissons, les fruits (pêches, raisins, tomates), les légumes et les aliments liquides (jus d'orange et œuf liquide) (Lazaridou et Biliaderis, 2020).
L’Aloe vera est une plante médicinale très connue pour ses propriétés thérapeutiques. Le gel extrait, ayant des propriétés adhésives, est utilisé seul ou en combinaison dans la formation des films et revêtements. Sa composition riche en molécules bioactives, en composés phénoliques et en minéraux lui confère des propriétés antimicrobiennes et antioxydantes. Cela permet d’améliorer les fonctionnalités des films et revêtements comestibles, en plus d’apporter des avantages supplémentaires pour la santé (Maan et al., 2021).


La recherche sur la production de films et revêtements explore constamment de nouveaux matériaux innovants pour perfectionner davantage ces solutions (Galus et al., 2020). Parmi les matériaux émergents, citons :
Farines de grains entiers : amarante, quinoa, chia, cosse de psyllium, aubergine, maïs, légumes (pois de gesse, lentilles, pois chiches, haricots mungo, haricots populaires mexicains) ;
Résidus de fruits et légumes : bananes plantain, agrumes, albédo de pamplemousse ;
Plantes à racines : manioc, pomme de terre, patate douce, farine d'achira ou amidons de canna, d'igname, d'ulluco ou de châtaigne d'eau, amidon de tubercule d'arrow-root de Guinée ;
Gommes végétales : gomme arabique (ou gomme d'acacia), gomme d'amande (ou gomme persane) ;
Plantes sauvages : Algues (algues du golfe), figuier (Opuntia cactus), groseillier des Barbades (Pereskia aculeata), balangu shirazi (Lallemantia royleana).
Cette diversité de matériaux promet une nouvelle ère dans la fabrication de films et revêtements, offrant des solutions respectueuses de l'environnement et contribuant à la réduction de la pollution plastique.
2. Méthodes de préparation
Les films et les revêtements sont préparés et appliqués de différentes façons.
En général, les films sont préparés indépendamment du produit par la méthode de coulée ou la méthode d'extrusion. Les revêtements, quant à eux, adhèrent directement aux produits, et sont obtenus par la technique du trempage, de pulvérisation, d'enrobage à la poêle ou de lit fluidisé.
2.1. Préparation des films
Méthode de coulée :
Cette méthode (humide) est formée de trois étapes :
La solubilisation : consiste en dissoudre le biopolymère dans un solvant comestible et non toxique, comme l'eau ou l'alcool éthylique ;
La solution est versée dans un moule prédéfini ;
Le séchage : Le solvant est évaporé du film soit par un séchoir sous vide, un four à micro-ondes ou un séchoir à air. Cette étape est importante et influence les propriétés physiques du film obtenu.
La technique de coulée présente plusieurs avantages :
C’est une méthode courante et peu coûteuse ;
Etant un processus humide, la liaison entre les molécules de biopolymère est améliorée et donc le film obtenu est homogène ;
Le procédé utilise une basse température, diminuant le risque de dégradation des molécules.
Cependant, l’inconvénient de cette technique est l’absence d’applications commerciales à cause du temps de séchage plus long que les autres méthodes.
Méthode d'extrusion :
C’est un procédé sec, n’utilisant pas – ou peu - de solvant, et donc l’étape de séchage est réduite ou éliminée.
L’appareil utilisé - l'extrudeuse – est formé de trois zones :
Zone d'alimentation : où le biopolymère et les additifs sont ajoutés ;
Zone de pétrissage : où les ingrédients sont mélangés à l'aide d'une vis d'extrusion ;
Zone de chauffage ; où le mélange et la fusion des ingrédients est fait avec de la chaleur fournie par un four.
À l'extrémité de l'extrudeuse, une filière est fixée, permettant l’obtention d’un film d’une forme et épaisseur déterminées.


Description schématique d'une extrudeuse
Source : Chaturvedi et al. (2017)
La technique d'extrusion présente quelques avantages, dont :
Possibilité d’utilisation à l’échelle commerciale ;
La température utilisée dans la zone de chauffage de l’appareil améliore les propriétés générales du film en modifiant la structure du biopolymère.
D’un autre côté, on dénombre quelques inconvénients :
Le biopolymère sensible à la température ne peut pas être extrudé, car il est dégradé ;
La production peut être plus chère car elle nécessite un appareillage.
2.2. Préparation des revêtements
Lors de la formation de l'enrobage, les matériaux se diffusent d'abord sur la surface de l'objet, puis l'adhésion se produit entre le matériau d'enrobage et la surface de l'objet, généralement un aliment.
Plusieurs facteurs sont considérés dans le choix de la méthode de synthèse des revêtements, notamment les propriétés de surface du produit et l'objectif de la couche d'enrobage.
Méthode de trempage :
Cette méthode est formée de trois étapes :
Le trempage complet du produit dans la solution formant le revêtement ;
Le dépôt du matériau sur la surface du produit ;
L'évaporation du solvant à température ambiante ou par chauffage, formant une fine couche sur la surface du produit.
La technique de trempage est la plus utilisée pour conserver les fruits et les légumes. Par exemple, les mangues fraîchement coupées sont trempées dans une solution formée de l'alginate (polysaccharide issu des algues brunes) et d'acide malique afin d’augmenter leur fermeté et réduire leur détérioration pendant le stockage.
Méthode de pulvérisation :
Dans cette méthode, le produit est pulvérisé par une solution liquide, convertit en des minuscules gouttelettes, qui couvriront une grande surface du produit.
Pistolet pulvérisateur
Cette technique peut être divisée en deux catégories :
L'atomisation par pulvérisation d'air : où l'air à grande vitesse est utilisé pour transformer le liquide en gouttelettes ;
L'atomisation par pression : où la pression élevée convertit le liquide en gouttelettes.
La technique de pulvérisation présente l'inconvénient majeur de ne pas permettre la pulvérisation de biopolymères très visqueux, nécessitant l’utilisation de la méthode du trempage.
Méthode d'enrobage à la poêle :
Une grosse boule ronde, appelée casserole, est mise en rotation et les produits (alimentaires et confiseries) sont mis en rotation à l'intérieur. La solution d'enrobage est pulvérisée sur la surface des produits dans la casserole en mouvement, tandis que l'air circulant permet d’évaporer le solvant et de sécher le revêtement.
La quantité de solution pulvérisée déterminera l'épaisseur du revêtement final sur le produit.
Entrée de l'air
Pistolet
Lame de mélange
Produit
Sens de la rotation
Sortie de l'air
Méthode de lit fluidisé :
Cette méthode permet d'appliquer une fine couche d'enrobage sur la surface d'un produit alimentaire sec de très petite taille, tel que le blé ou les noix.
La solution d'enrobage est pulvérisée à l'aide de buses, ce qui permet de faire couler l'aliment de petite taille avec la solution pulvérisée. La solution commence à former une coquille sur l'aliment, qui se transforme lentement en enrobage. Ensuite, le séchage est effectué.


Solution d'enrobage
Buses
Compresseur d'air
Source : Beig et al. (2020)
La méthode de lit fluidisé présente l’avantage de réduire les risques d'agglomération et le taux de libération des composés actifs. Cependant, l’inconvénient c’est qu’il est plus coûteux que les autres méthodes d'enrobage.
3. Avantages écologiques et applications variées des films et revêtements
Les films et revêtements écologiques offrent plusieurs avantages : ils sont renouvelables, biodégradables, et non toxiques, ce qui en fait des alternatives d'emballage durables, idéales pour remplacer les emballages en plastique.
Ainsi, ils présentent plusieurs applications dans la pharmaceutique (Seo et al., 2020), la cosmétique (Kouhi et al., 2020) et la conservation des aliments.
Dans l’emballage des produits alimentaires, les films et les revêtements protègent les aliments (comme les fruits, les légumes, la viande, les volailles, les poissons et le fromage) et prolongent leur durée de conservation grâce à plusieurs propriétés :
Formation d’une barrière entre le produit et l’environnement (gaz, vapeur d’eau) ;
Bloque la migration dans l’aliment des arômes (composés volatiles), des huiles et de la graisse ;
Inhibition de la croissance des microorganismes pathogènes et d’altération ;
Apport ciblé de nutriments incorporés dans les films et les revêtements et ayant un rôle bénéfique sur la santé (Nutraceutiques), comme le renforcement du système immunitaire, l’amélioration de l’absorption intestinale et la production de micronutriments. Exemple de la pectine (soutien cardiovasculaire) et le bêta-carotène (contre les troubles liés à la vieillesse).
Cependant, l’efficacité de l’emballage dépend des conditions de stockage (température, humidité relative). D’un autre côté, la diffusion des ingrédients actifs de l’emballage vers l’aliment doit être contrôlée. Une libération excessive peut altérer les qualités organoleptiques (couleur et la saveur) des aliments, et même présenter un risque de toxicité sur le consommateur.
4. Révolution grâce à la nanotechnologie
La nanotechnologie permet de produire un revêtement comestible à l'échelle nanométrique. Ces nanomatériaux présentent une meilleure résistance, flexibilité et un meilleur effet barrière. De plus, la nano-encapsulation des agents actifs permet de les protéger de la décomposition chimique et de les libérer de manière contrôlée dans l’aliment.
Cependant, leur petite taille permet à ces particules de pénétrer dans le corps humain et de causer des dommages à l’ADN des cellules. Pour cette raison, un contrôle strict de leur taille et leur composition est nécessaire afin d’éviter tout risque de toxicité et de garantir leur innocuité, notamment lorsqu'ils sont comestibles.
5. Films et revêtements commercialisés
Il existe des exemples de films comestibles commercialisés et utilisés sur le marché aujourd'hui. Les pionniers du marché des films et des revêtements comestibles sont Dow Dupont, Ingredion Incorporated, le groupe Dohler, Cargill et Tate & Lyle.
Un exemple commercial révolutionnaire d'emballage comestible a été fabriqué par Notpla Limited, au Royaume-Uni. L’emballage, appelé Ooho, a été fabriqué à partir d'algues et a été utilisé pour encapsuler de l'eau. Le film est supposé être imperméable à l'eau et entièrement biodégradable.
Une nouvelle pastille thermoplastique a été développée par une société française, Lactips. Elle est formée entièrement de protéines de lait (caséine) et le film - comestible et biodégradable - agit comme une barrière contre les gaz.
Source principale :
Article de synthèse : Kumar, L., Ramakanth, D., Akhila, K. & Gaikwad, K.K. (2022). Edible films and coatings for food packaging applications: a review. Environmental Chemistry Letters 20, 875–900.
Autres sources :
Article de synthèse : Galus, S., Arik Kibar, E. A., Gniewosz, M. & Kraśniewska, K. (2020). Novel materials in the preparation of edible films and coatings—A review. Coatings, 10(7), 674.
Article de synthèse : Kouhi, M., Prabhakaran, M. P. & Ramakrishna, S. (2020). Edible polymers: An insight into its application in food, biomedicine and cosmetics. Trends in Food Science & Technology, 103, 248-263.
Chapitre de livre : Lazaridou Athina & Biliaderis Costas G. (2020). Chapter 6: Edible films and coatings with pectin, pages 99 – 123. Vassilis Kontogiorgos (Editor), Pectin: Technological and physiological properties, Springer.
Article de synthèse : Maan, A. A., Ahmed, Z. F. R., Khan, M. K. I., Riaz, A. & Nazir, A. (2021). Aloe vera gel, an excellent base material for edible films and coatings. Trends in Food Science & Technology, 116, 329-341.
Article de synthèse : Seo, K. S., Bajracharya, R., Lee, S. H., & Han, H. K. (2020). Pharmaceutical application of tablet film coating. Pharmaceutics, 12(9), 853.
Sources images :
Article de synthèse : Beig, B., Niazi, M. B. K., Jahan, Z., Hussain, A., Zia, M. H. & Mehran, M. T. (2020). Coating materials for slow release of nitrogen from urea fertilizer: A review. Journal of plant nutrition, 43(10), 1510-1533.
Article : Chaturvedi, E., Rajput, N. S., Upadhyaya, S. & Pandey, P. K. (2017). Experimental study and mathematical modeling for extrusion using high density polyethylene. Materials Today: Proceedings, 4(2), 1670-1676.
Pour aller plus loin :
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