Pesticides d'origine végétale
Depuis des millénaires, les plantes ont été utilisées comme pesticides naturels dans l’agriculture. Cependant, le développement des pesticides synthétiques - puissants et rapides - a diminué l’utilisation de ces biopesticides.
Toutefois, l'utilisation abusive et répétée des pesticides synthétiques a entraîné de nombreux problèmes de santé et d’environnement. En effet, l'ingestion ou l'exposition des pesticides synthétiques entraîne des effets néfastes sur le système immunitaire, une altération des systèmes neurologiques et endocriniens, des maladies métaboliques, des cancers, la stérilité et même la mort. D’un autre côté, les pesticides chimiques causent des dommages dans des organismes non ciblés, la résistance des parasites, la variation génétique des plantes et des incidences négatives sur la biodiversité. Les pesticides contaminent les denrées alimentaires, les aliments pour animaux, le sol et les eaux, polluant ainsi l’environnement et appauvrissant la couche d'ozone.
Tous ces effets négatifs des pesticides chimiques ont incité la recherche d’alternative naturelle pour lutter contre les ravageurs, comme les pesticides d’origine végétale.
1. Pesticides naturels à partir des plantes
A cause des effets indésirables de l’utilisation intensive des pesticides synthétiques, les pesticides botaniques gagnent en popularité dans l'agriculture biologique. En effet, ils ont un impact positif sur l'environnement, une faible toxicité pour les mammifères et un faible risque de développement d'une résistance chez les ravageurs ciblés.
Dans le monde des plantes, il existe plusieurs espèces de plantes médicinales, fougères, conifères et angiospermes ayant la capacité de lutter contre les ravageurs. On compte presque 2500 espèces, appartenant à 235 familles dont les Rutaceae (Citrus hystrix), Compositae (Chrysanthemum cinerariaefolium), Meliaceae (Azadirachta indica), Leguminosae, Araceae (Acorus calamus), Platycodoniaceae, Solanaceae (Capsicum frutescens, Nicotiana tabacum), Chenopodiaceae, Zingiberaceae (Curcuma longa, plante efficace contre le cancer), Labiatae (Ocimum basilicum), Loniceraceae, Umbelliferae, Polygonaceae (Reynoutria sachalinensis) et Euphorbiaceae (Ricinus communis).
Il existe des pesticides commercialisés à base des extraits de plantes, dont principalement :
Le tabac (Nicotiana tabacum), sous les noms commerciaux « Stalwart », « No-Fid », « XL-All Nicotine » et « Tobacco Dust » ; cette plante était parmi les premières utilisées pour produire des pesticides commerciaux à base de la nicotine et des alcaloïdes (Sergeeva, 2015) ;
Le neem (Azadirachta indica), sous les noms commerciaux « Ecozin », « Azatrol EC », « Agroneem » et « Trilogy TM ». Elle est aussi parmi les plantes utilisées pour traiter la maladie de la lèpre ;
La sabadille (Schoenocaulon officinale), sous les noms commerciaux « Veratran », « Red Devil » et « Natural Guard » ;
Le ryania (Ryania speciosa), sous les noms commerciaux « Natur-Gro R-50 », « Natur-Gro Triple Plus » et « Ryan 50 » ;
Le pyrèthre (Tanacetum cinerariifolium), sous les noms commerciaux « Pyganic » et « Diatect ».
Huiles essentielles
Les huiles essentielles - produites par les plantes aromatiques et extraites principalement par distillation - ont plusieurs activités permettant leur utilisation dans plusieurs domaines, comme la médecine (aromathérapie) et la conservation alimentaire. Elles ont la capacité d’attirer les insectes pollinisateurs et de repousser les ravageurs, ce qui permet leur large utilisation dans l’agriculture comme pesticide et herbicide.
Parmi les huiles essentielles commercialisées comme pesticides, on trouve :
Cannelle (Cinnamomum zeylanicum), sous les noms commerciaux « Weed Zap TM » et « Repellex » ;
Girofle (Syzygium aromaticum ou Eugenia caryophyllus), sous les noms commerciaux « Matran EC », « Burnout II » et « Biooganic Lawn » ;
Citronnelle (Cymbopogon nardus, C. citratus ou C. flexuosus), sous le nom commercial « GreenMatch EX TM » ;
Romarin (Rosmarinus officinalis), sous les noms commerciaux « Ecotrol TM » et « Sporan TM » ;
Thym (Thymus spp. et Thymus vulgaris), sous les noms commerciaux « Proud 3 », « Organic Yard Insect Killer » et « Promax TM ».
Molécules isolées
Les métabolites secondaires extraits des plantes, comme les alcaloïdes, les terpénoïdes et les flavonoïdes, présentent des activités pesticides. Parmi les molécules étudiées pour leur effet contre les ravageurs, on cite ;
L'azadirachtine (pesticide commercialisé (Sergeeva, 2015)), le mélantriol, la nimbinine, la nimbidine, la salanine, la nimbine, la nimboline A et la nimboline B extraits de neem ;
L'hyoscyamine, l'atropine et la scopolamine présents dans le datura ;
La calatropine et la calotoxine présents dans le calotropis ;
La vasicine, la vasicinone et l'adhatodine extraits de l'adhatoda ;
Le karanjin présent dans pongamie penne (Pongamia pinnata) ;
L'allicine et le sulfure de diallyle présents dans l'extrait d'ail ;
La capsaïcine présente dans le chili ;
L'acide lantanolique et l'acide lantique présents dans le lantanier ;
L'anonaïne et la squamocine présents dans pomme cannelle (Annona squamosa).
2. Potentiel des plantes comme pesticides
Les plantes renferment plusieurs molécules qui jouent un rôle dans leur défense contre les pathogènes et les maladies. Elles agissent comme des pesticides naturels grâce à leur effet répulsif, anti-appétant (empêche la prise de nourriture) et inhibiteur de croissance. Ainsi, les pesticides d'origine végétale sont utilisés pour lutter contre les insectes nuisibles et les parasites des plantes, tels que les nématodes, les champignons, les bactéries et les virus.
Activité insecticide : A travers un effet larvicide, ovicide, anti-appétant, stérilisant et la régulation de la croissance.
Exemples des insectes contrôlés par les plantes :
- Les ravageurs du haricot commun (comme les pucerons, les chenilles, les sauterelles et les bruches) par le neem, ail (Allium sativum), pyrèthre de Dalmatie (Chrysanthemum cinerariaefolium), métel (Datura metel), hyptide parfumé (Hyptis suaveolens), belle-de-nuit (Mirabilis jalapa), ryania, tagète des décombres (Tagetes minuta) et lantanier camara (Lantana camara).
- Sitophilus zeamais par les extraits de la tagète des décombres, lantanier camara et eucalyptus à cornes lisses (Eucalyptus tereticornis).
- Aphis gossypi et Phenacoccus solenopsis par les extraits des feuilles de neem, basilic sacré (Ocimum sanctum) et eucalyptus commun (Eucalyptus globulus).
- Prostephanus trunatus par la poudre des feuilles de l’eucalyptus commun.
- Myzus persicae par les extraits du gommier de Camaldoli (Eucalyptus camaldulensis), armoise blanche (Artemisia herba alba) et romarin.
- Spodoptera frugiperda par les huiles de curcuma (Curcuma longa), clou de girofle et palmarosa, par les extraites des plantes du genre Tagetes et par la molécule azadirachtine.
- Spodoptera litura par l’huile du basilic sacré et curcuma et par l’azadirachtine.
- Helicoverpa armigera par les extraits de curcuma, ail et férule fétide (Ferula assafoetida).
- Ravageurs du riz (Cnaphalocrosis medinalis, Oxya nitidula), ravageurs de l'aubergine (Aphis gossypii, Coccidohystrix insolitus, Epilachna vigintioctopunctata, Urentius hystricellus) et ravageurs du gombo (Amrasca devastans, Anomis flava, Dysdercus cingulatus, Earias vittella, Oxycarenus hyalinipennis, Tetranychus neocaledonicus) par curcuma.
- Rhyzopertha dominica, Sitophilus oryzae et Tribolium castaneum par l'huile essentielle de curcuma.
- Drosophila melanogaster, Callosobruchus maculatus, Lutzomyia longipalpis, Plutella xylostella et Galleria mellonella par l’azadirachtine.
- Callosobruchus maculatus, Zonocerus variegatus et les larves de moustiques par les extraits du genre Piper (Piper guineense, P. longum et P. retrofractum).
- Acyrthosiphon pisum par les extraits de Isodon rugosus et Daphne mucronata.
- Helicoverpa zea (ver du fruit de la tomate) par l'oignon (Allium cepa) et gingembre (Zingiber officinale).
- Brevicoryne brassicae et Tetranychus evansi par les extraits de verveine sauvage (Lippia javanica) et Solanum delaguense.
Activité fongicide : A travers l’inhibition de la germination des spores et de la croissance mycélienne, le retardement de la sporulation et la réduction de la pathogénicité, de l'incidence et de la gravité de la maladie.
Exemples des champignons contrôlés par les plantes :
- Aspergillus niger par les extraits de neem, tournesol mexicain (Tithonia diversifolia), ricin commun (Ricinus communis), sucrier (Cerbera odollam), clou de girofle et acajou (Swietenia macrophyllai).
- Penicillium oxalicum par les extraits de ricin commun.
- Penicillium digitatum et le genre Fusarium par les extraits de sucrier, clou de girofle et acajou.
- Fusarium oxysporum par les extraits de neem, tournesol mexicain et thé du Mexique (Chenopodium ambrosioides).
- Fusarium solani et Rhizopus arrhizus par les extraits de vanillier de Cayenne (Duranta erecta).
- Geotrichum candidium par les extraits de neem et de tournesol mexicain.
- Alternaria solani par les extraits de feuilles de papayer.
- Sclerotium rolfsil par les extraits d’eucalyptus commun, basilic africain (Ocimum gratissimum) et vanillier de Cayenne.
- Les agents causant l’anthracnose (y compris Colletotrichum coccodes, Colletotrichum gloeosporioides, Colletotrichum acutatum) par les extraits de curcuma, les curcuminoïdes, et les huiles essentielles de l’ail, copahu (Copaifera langsdorfii), cannelle et girofle (Eugenia caryophyllata).
- Phytophthra infestans, Puccinia recondite et Rhizoctonia solani par la curcumine.
- Megalurothrips sjostedti par les extraits de poivre noir (Piper nigrum), cannelle et cannelle de Chine (Cinnamomum cassia).
- Champignon de la pourriture des fruits de la tomate par les extraits de dartrier (Cassia alata), biusson de noel (Alchornea cordifolia) et moringa (Moringa oleifera).
Activité bactéricide : A travers l’inhibition de la croissance, la mortalité, la réduction de l'incidence et l’inhibition de la gravité.
Exemples des bactéries contrôlées par les plantes :
- Xanthomonas oryzae pv. oryzae par les extraits de neem, métel, muguet bleu (Vitex negunda), jujubier (Ziziphus jujuba) et noix de Malabar (Adhatoda vasica).
- Ralstonia solanacearum par les extraits de datura, ail, ciboule, nérium, hibiscus (Hibiscus sabdariffa), grenade (Punica granatum) et l’eucalyptus commun, les huiles de palmarosa et de citronnelle, et la molécule de thymol.
- Pseudomonas syringae pv. syringae, Xanthomonas vesicatoria et Clavibacter michiganensis par l’extrait de l’ail.
Activité nématicide : A travers la réduction de la croissance des nématodes, la suppression de la formation de gal, la réduction de la motilité, l’inhibition de l'infectivité et la mortalité.
Exemple de nématode contrôlé par les plantes :
- Meloidogyne incognita (nématode à galles) par neem, lantanier camara, les extraits aqueux de tindola (Coccinia grandis), commélyne du Bengale (Commelina benghalensis), Leucas cephalotes, grebb anba fèy blan (Phyllanthus amarus), pourpier courant (Trianthema portulacastrum), cassia (Cassia siamea), casse du Sénégal (Cassia sieberiana), flamboyant (Delonix regia), Isoberlinia doka, tamarinier (Tamarindus indica), basilic africain (Ocimum gratisimmum) et hyptide parfumé.
Activité virucide : A travers l’induction d’une résistance systémique, l’inhibition de la transmission, la réduction des symptômes, l’inhibition de la pénétration et la suppression de la prolifération.
Exemples des virus contrôlés par les plantes :
- Virus de la mosaïque du tabac par les extraits de l'huile de coton et paronyque argentée (Paronychia argentea).
- Virus de la mosaïque commune du haricot par les extraits de neem, poivre rose (Schinus terebinthifolius), Plectranthus tenuiflorus et Clerodendrum inerme.
- Virus de la mosaïque de la pastèque par l'extrait de thuya d'Orient (Thuja orientalis).
- Virus de la striure du riz et virus de la naine noire du riz par les extraits d'acétone d'huile de coton.
- Virus de l'enroulement de la pomme de terre par les extraits de thuya d'Orient et armoise champêtre (Artemisia campestris).
- Virus de la feuille jaune de la tomate par les extraits de thuya, tamarix et henné.
3. Challenges des pesticides d’origine végétale
Parmi les challenges que rencontre les pesticides naturels :
Haute dégradabilité, qui rend leur efficacité très dépendante des conditions environnementales et météorologiques ;
Risque de contamination, de diminution de l’effet et de stockage de courte durée ;
Difficulté de normalisation des doses, due à la variabilité des habitudes de croissance, des différences variétales, de la durée de la récolte, des méthodes d'extraction et des conditions de stockage ;
Difficulté de formulation, due à la composition chimique complexe ;
Faible présence dans le marché, liée à plusieurs problèmes dans le développement et la commercialisation ;
Problèmes liés à l'approbation réglementaire, à cause du coût élevé de l'évaluation toxicologique ;
Processus rigoureux d'homologation, d'évaluation environnementale et toxicologique avant la commercialisation.
En conclusion, les recherches démontrent le potentiel énorme des plantes comme source de pesticides botaniques. Cependant, le progrès vers leur commercialisation doit être une priorité. L’agriculteur doit être sensibilisé à l’importance de l’utilisation des pesticides naturels pour le développement durable et la protection de l’environnement et de la santé du consommateur.
Source principale :
Article de synthèse : Ngegba, P. M., Cui, G., Khalid, M. Z. & Zhong, G. (2022). Use of Botanical Pesticides in Agriculture as an Alternative to Synthetic Pesticides. Agriculture, 12(5), 600.
Autre source :
Chapitre de livre : Sergeeva Vera (2015). Chapter 13: Medicinal plants to control diseases and pests, pages 257-271. Máthé Ákos (Ed). Medicinal and Aromatic Plants of the World: Scientific, Production, Commercial and Utilization Aspects, vol 1. Springer, Dordrecht.
Source image :
Note de recherche : Khan, Z., Kumar, A., Mahamood, M., Gawade, B. & Gautam, K. A. (2014). The root-knot nematode, Meloidogyne incognita, on Psoralea corylifoliain India. Nematropica, 44(1), 81-84.
Pour aller plus loin :
Régime alimentaire à base de plantes.
Emergence des bioproduits végétaux.
Le bioplastique produit par les plantes.
Les bienfaits des champignons médicinaux.
La sûreté des huiles essentielles.
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